Inflation et risques alimentaires

L’inflation a tenu le haut du pavé médiatique tout au long des années 2022 et 2023, marquées par de très fortes hausses de prix, notamment dans le secteur alimentaire. Une période qui a durablement marqué les Français, au point qu’ils restent aujourd’hui convaincus que les prix continuent d’augmenter alors qu’ils sont globalement maîtrisés sur les 12 derniers mois selon l’INSEE.

Cette conviction se confirme sans ambiguïté à la lecture des résultats de l’étude commandée par Ymanci à l’institut spécialisé FLASHS auprès de 2 000 personnes, interrogées sur les conséquences de l’inflation sur leurs habitudes alimentaires. Riche d’enseignements, cette enquête très complète explore en profondeur les comportements d’achat et de consommation de nos concitoyens en matière de nourriture.

Si chacun s’adapte à sa manière, une chose est sûre : les transformations sont profondes. Pour certains, il s’agit d’optimiser les dépenses sans renoncer à la qualité. Pour d’autres, c’est une lutte quotidienne où les arbitrages deviennent douloureux. Car au-delà des stratégies d’économie, une réalité plus sombre émerge : la précarité alimentaire progresse, poussant une partie croissante de la population à réduire la quantité et la diversité de ses repas au détriment de leur qualité nutritionnelle. Des choix forcés qui révèlent une mutation des comportements, des pratiques d’achat aux habitudes culinaires. Les Français consomment aujourd’hui autrement, par nécessité plus que par choix.

la grande majorité des français pensent que l'inflation sur les produits alimentaire est en hausse sur les 12 derniers mois

En dépit d’une stabilité des prix alimentaires, voire d’une baisse pour certains produits, constatée par l’INSEE durant l’année écoulée, l’écrasante majorité des Français estime que ceux-ci ont augmenté au cours des 12 derniers mois. Ils sont en effet 95 % à le dire, dont près des deux tiers (63 %) considèrent même que leur ticket de caisse a fortement progressé.

Ce sentiment traverse de manière homogène toutes les tranches d’âge et toutes les catégories de revenus. Au-delà du traditionnel « Tout augmente », l’inflation subie en 2022 et 2023, sa très forte médiatisation et le fait que les prix sont, de toute façon, bien plus élevés qu’il y a trois ans, expliquent pourquoi cette perception d’une hausse continue est à ce point ancrée dans l’esprit de nos concitoyens.

infographie : les français n'achètent plus leurs produits alimentaires comme avant

Comme le montrent les résultats de l’étude, la flambée des prix de ces dernières années a clairement modifié les comportements d’achat des Français : 72 % déclarent en effet avoir changé au moins l’une de leurs pratiques en raison de l’inflation. Près de la moitié (48 %) achètent aujourd’hui plus de produits en promotion qu’auparavant, et 43 % recourent de façon accrue aux programmes de fidélité proposés par les enseignes. 49 % sont désormais plus attentifs aux prix unitaires, tandis que 38 % comparent les tarifs de manière plus systématique, voire répartissent leurs courses entre plusieurs magasins afin de bénéficier des meilleures offres.

Les marques de distributeur apparaissent comme les gagnantes de ces stratégies puisque 37 % des personnes interrogées les privilégient maintenant, et 30 % fréquentent plus souvent les magasins discount.

Les applications de suivi des promotions et les catalogues promotionnels connaissent également un regain d’intérêt chez les consommateurs, avec respectivement 28 % et 30 % de Français qui les consultent plus régulièrement. En revanche, le vrac n’a pas connu de réelle embellie puisque seuls 14 % des répondants se tournent plus fréquemment vers cette forme d’achat pour leurs produits alimentaires. Enfin, 8 % déclarent solliciter plus souvent les banques alimentaires en raison de l’inflation.

Infographie montrant que c'est la viande et le poisson qui pâtissent le plus de l'inflation

Le renchérissement du prix des aliments a contraint de très nombreux Français à acheter moins, voire plus du tout, certains produits. La viande et le poisson ont été les premières victimes de ces arbitrages, 43 % des personnes interrogées ayant réduit ou arrêté leur consommation. Si le renoncement, partiel ou total, à la charcuterie de 27 % d’entre elles peut apparaître comme une bonne nouvelle en matière de santé, bien plus inquiétante est la part (20 %) de celles et ceux qui ont agi de même avec les fruits et légumes frais. Le bio fait également les frais de l’inflation puisque 30 % des répondants ont réduit leurs achats en la matière.

Afin d’économiser de l’argent, les consommateurs optimisent plus que par le passé et de différentes manières leurs dépenses alimentaires. Ils sont 65 % dans ce cas. Ainsi, près de la moitié des Français (48 %) achètent davantage d’aliments à prix réduit en raison de leur date limite proche, tandis que 30 % réduisent la taille de leurs portions et conservent les restes, signe d’une gestion plus stricte des repas. Plus d’un Français sur cinq (21 %) réchauffe ses aliments plusieurs fois plus qu’avant, et 13 % indiquent manger davantage de repas froids. 

Par ailleurs, 25 % consomment plus qu’auparavant des aliments ayant dépassé leur date limite de consommation quand 18 % les sentent plus souvent afin de vérifier s’ils sont encore consommables. Enfin, plus de la moitié des personnes interrogées indiquent utiliser des applications anti-gaspillage, dont 22 % les consultent plus fréquemment aujourd’hui.

infographie sur les comportements d'achat de produits alimentaires bon marché et sur la consommation de produits périmés

L’écrasante majorité (81 %) de ceux qui consomment des aliments dont la date de péremption est dépassée le font avec les produits laitiers, dont certains, comme les yaourts et les fromages, sont jugés sûrs à plusieurs jours de distance. Les produits secs ou en conserve (64 %) sont aussi largement concernés, car leur durée de conservation réelle dépasse souvent leur DLUO (date limite d’utilisation optimale).

Si plus d’un répondant sur deux (51 %) mange des fruits et légumes au-delà de la date indiquée, en s’appuyant généralement sur l’aspect visuel de la fraicheur, la prudence est plus de rigueur en ce qui concerne la charcuterie, consommée dans ces conditions par 23 % des personnes. Moins nombreux encore (21 %) sont ceux qui prennent des risques sanitaires avec la viande et le poisson.

statistiques sur les personne sautant des repas faute de manque de moyen pour faire les courses

La précarité alimentaire affecte aujourd’hui le quotidien de très nombreux Français. Par manque d’argent, un tiers (33 %) déclare avoir déjà sauté des repas plusieurs fois par mois, dont 14 % le font quelques fois par semaine et 6 % presque tous les jours. Une triste réalité qui touche plus particulièrement les jeunes : 48 % ont entre 18-24 ans, et 53 % des 25-34 ans sont dans ce même cas contre 25 % des 50-64 ans et 14 % des plus de 65 ans.

Les classes populaires sont également fortement concernées puisque 48 % de ceux percevant moins de 1 300 € mensuels y sont contraints, dont 28 % disent que cela leur arrive plusieurs fois par semaine. C’est le double des personnes dont le revenu mensuel se situe au-dessus de 2 500 € par mois, lesquelles sont 21 % à dire qu’il leur arrive de sauter des repas pour des raisons financières, dont 14 % plusieurs fois hebdomadairement.

Infographie montrant que l'équilibre nutritionnel est bousculé par la hausse des prix en France

Produits de moins bonne qualité ou en quantités réduites et repas esquivés ne sont pas sans conséquences sur l’équilibre nutritionnel des consommateurs. 58 % d’entre eux estiment en effet que l’inflation et les arbitrages qu’elle leur a imposés a eu un impact négatif, dont 21 % jugent qu’il a été très négatif. Chiffres qui varient considérablement selon le niveau de revenus des personnes interrogées : 70 % de celles dont les ressources mensuelles sont inférieures à 1 300 € font le constat de conséquences négatives sur leur nutrition, soit 25 points de plus que pour les catégories aisées (45 % parmi ceux percevant plus de 2 500 € par mois).

Infographie : 75% des Français ont modifié leur façon de cuisiner suite à la hausse des prix de l'énergie

Si la hausse des prix de l’alimentation a modifié considérablement les modes d’achat et de consommation, celle de l’énergie a amené de nombreux Français en recherche d’économies à cuisiner différemment. Les trois quarts (74 %) indiquent en effet avoir modifié leur manière de faire chauffer leur nourriture. Plus de la moitié (56 %) éteignent désormais le four ou la plaque plus tôt et terminent la cuisson avec la chaleur résiduelle, tandis que 48 % optent préférentiellement pour l’usage du micro-ondes ou de la plaque.

Moins répandu, cuisiner à une température inférieure à l’habitude s’avère une solution pour 36 % des répondants quand 30 % réduisent le temps de cuisson des plats nécessitant des durées longues. Enfin, près d’un tiers (31 %) veille à chauffer ses plats pendant les heures creuses.

infographie : 47% des francais gaspillent moins de produits alimentaires depuis la hausse de l'inflation

Entre arbitrages délicats, renoncements et impacts potentiels sur leur santé, la hausse des prix a indubitablement soumis de très nombreux Français à des contraintes dont ils se seraient bien passés. Mais s’il est un domaine qui peut s’évaluer positivement, c’est celui du gaspillage alimentaire. 8 Français sur 10 (80 %) déclarent en effet gaspiller moins d’aliments depuis qu’ils ont été confrontés à l’inflation, dont 47 % estiment même qu’ils gâchent beaucoup moins qu’avant. L’augmentation des prix a visiblement servi de déclencheur pour inciter les Français à mieux gérer leurs ressources alimentaires, une prise de conscience salutaire tant pour leurs finances que pour la planète.

Infographie : 59 % des Français pense que leurs crédits ont un impact sur leur budget nourriture

Un focus sur les répondants ayant un ou des emprunts en cours, soit quelque 1 013 personnes, permet de mesurer le poids des remboursements sur les dépenses alimentaires. 62 % indiquent en effet que leurs crédits impactent leur budget nourriture, dont 25 % disent que cet impact est fort.

Lorsque l’on croise avec les revenus, l’on s’aperçoit de différences assez marquées dans la perception de ce poids, évoqué par 73 % de celles et ceux qui perçoivent entre 1 300 et 1 900 € par mois contre 53 % pour les revenus supérieurs à 2 500 € mensuels. Les personnes les plus modestes (moins de 1 300 €) sont pour leur part 68 % à en faire état, chiffre légèrement au-dessus de celui affiché pour la catégorie 1 900 -2 500 € (62 %).

Logiquement, la majorité des répondants remboursant un emprunt estiment que des mensualités moins élevées donneraient un bol d’air à leurs dépenses de nourriture. Ils sont 59 % à le dire, une certitude plus marquée chez les 18-34 ans (70 %), qui décline au fur et à mesure de l’avancée en âge des personnes interrogées pour atteindre 46 % chez les plus de 65 ans.

Enquête réalisée par FLASHS pour Ymanci.fr du 21 au 28 janvier 2025 par questionnaire auto-administré  en ligne auprès d’un panel Selvitys de 2 000 Français et Françaises âgé(e)s de 18 ans et plus, représentatif de la population française