Trêve hivernale : conséquences sur les propriétaires, locataires et l’immobilier
Depuis le 1er novembre 2024 et jusqu’au 31 mars 2025, les expulsions dans les logements locatifs ne sont plus autorisées. L’interdiction d’expulser des locataires, dans l’incapacité de payer leurs loyers, fait suite à la trêve hivernale inscrite dans la loi française depuis 1956 et appliquée chaque année¹.
Cette trêve garantit un hébergement aux familles victimes de difficultés financières pendant cette période où les conditions climatiques peuvent être particulièrement rudes. S’il s’agit d’un moment de répit pour ce type de profils, quelles sont les implications d’une telle mesure pour le marché immobilier qui se relève d’une crise longue et difficile. Mais aussi pour les principaux acteurs que certaines réformes, autour des locations meublées, des aides à la rénovation, de la loi Pinel qui vit ses dernières semaines, pourraient impacter si elles étaient actées dans le projet de loi de finances 2025.
La rédaction de Ymanci revient sur cette protection sociale qui s’applique à tous les locataires d’un logement social ou privé. Mais également sur les enjeux de cette mesure pour les propriétaires et à un degré moindre pour l’immobilier en France.
Quelles sont les conséquences pour un propriétaire ?
Cette période est pénalisante pour les bailleurs qui doivent respecter cette trêve hivernale. Ils doivent effectivement continuer à assumer les charges financières associées à leur bien immobilier alors qu’ils ne perçoivent plus aucun loyer. Certains d’entre eux, qui comptent sur ces revenus locatifs pour rembourser un emprunt immobilier, peuvent se retrouver en difficulté financière. À leur tour !
Bon à savoir
Lors de la trêve hivernale, les fournisseurs d’énergie (le gaz et l’électricité) sont dans le même cas. Ils n’ont pas le droit d’interrompre leurs services.
Que deviennent les dettes locatives pendant la trêve hivernale ?
Reculer pour mieux sauter ! La trêve hivernale n’annule pas les loyers impayés. Ces derniers continuent de s’accumuler et les procédures d’expulsion seront à nouveau effectives à partir du 1er avril. Les propriétaires sont même autorisés à délivrer les commandements de payer aux locataires avant de les assigner en justice. Si un bail est résilié par un juge, la justice délivre, à son tour, un commandement de quitter les lieux. À ce stade, un commissaire de justice est chargé d’expulser les locataires. En cas d’échec, il requiert l’intervention des forces de l’ordre qui l’accorde ou la refuse.
Trêve hivernale : quelles sont les répercussions sur le marché immobilier ?
Si la trêve hivernale est une mesure incontournable pour garantir la sécurité des locataires qui vivent dans la précarité, elle ne fait pas forcément les affaires de l’immobilier. Ce laps de temps, durant lequel les procédures d’expulsion d’un locataire par un propriétaire sont interrompues, entraîne des répercussions dans un marché locatif où les demandes sont toujours plus importantes que les offres pour de multiples raisons.
En effet, la crainte des loyers impayés peut rebuter un propriétaire et le dissuader de remettre en location son appartement ou sa maison. Un danger quand nous savons que le secteur de l’immobilier locatif est à la peine depuis des années, voire des décennies. Une autre répercussion concerne l’augmentation des loyers impayés qui peut affecter la rentabilité des investissements locatifs.
Que risquent les propriétaires ne respectant pas la trêve hivernale ?
Comme nous l’avons vu ci-dessus, les propriétaires, qui ne perçoivent plus les loyers, sont pénalisés. Certains d’entre eux seraient donc tentés de ne pas respecter la trêve hivernale et d’expulser leurs locataires en dépit de cette interdiction. Attention mesdames et messieurs les propriétaires ! L’article 226-4-2 du Code Pénal précise que :
Le fait de forcer un tiers à quitter le lieu qu’il habite sans avoir obtenu le concours de l’État dans les conditions prévues à l’article L. 153-1 du code des procédures civiles d’exécution, à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende.
L’avocat inscrit au Barreau de Paris, Maître Romain Rossi-Landi, confirme :
Qu’un propriétaire expulse un locataire pendant la trêve hivernale ou hors trêve hivernale, c’est le même délit. Le fait de forcer le locataire à partir sans avoir recours à la force publique est répréhensible par la loi. (…) Forcer un locataire à partir pendant la trêve hivernale peut être une circonstance aggravante s’il y a un procès. Le tribunal pourrait se montrer plus sévère.
Certains professionnels du secteur immobilier ne seraient pas contre une réforme de ce dispositif qui permettrait de trouver un équilibre entre la protection des locataires et la préservation des droits des propriétaires. Ils voudraient notamment renforcer les dispositions d’accompagnement des locataires qui traversent des difficultés financières et de prévention des impayés.
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Quelles sont les solutions pour satisfaire les propriétaires et les locataires ?
Pour les propriétaires, l’une d’entre elles consiste à trouver des solutions amiables comme l’instauration de paiement échelonné. Ils peuvent également bénéficier de garanties locatives ou d’assurance contre les loyers impayés.
Pour les locataires en situation de fragilité financière, ils peuvent se tourner vers les services sociaux ou les associations spécialisées. Tout comme les propriétaires bailleurs. Ils peuvent recourir effectivement au service des juristes de l’Agence départementale de l’information sur le logement (Adil). Ces professionnels sont à même de les accompagner, de les conseiller en cas de risque d’expulsion² ou d’impayés de loyer.
Ce service informe gratuitement depuis un téléphone fixe ou mobile les propriétaires et les locataires du lundi au vendredi. Voici le numéro vert : 0 805 160 075.
Trêve hivernale : certaines expulsions sont autorisées
Certaines expulsions sont autorisées pendant la trêve hivernale. Les personnes, qui peuvent être délogées manu militari, sont les squatteurs occupant la résidence principale ou secondaire d’un propriétaire.
À noter : les squatteurs, qui logent illégalement dans une grange, un terrain ou encore un garage, ne sont pas systématiquement expulsables. Cette décision appartient à un juge.
Outre les squatteurs, les mauvais payeurs sont aussi dans le viseur des propriétaires, de la loi, et peuvent être expulsés, à condition d’être relogés dans un logement correspondant à leurs besoins.
Les DOM ont également une trêve, mais pas hivernale !
Les départements français d’Outre-mer n’appliquent pas la trêve hivernale, mais la trêve… cyclonique ou pluviale en fonction des îles. Comme la trêve hivernale dans l’Hexagone, ce dispositif interdit les expulsions locatives.
Sur l’île de la Réunion, où des investisseurs d’un bien locatif peuvent aussi se heurter à ce type de problème, la trêve cyclonique est effective du 1er décembre 2024 au 15 avril 2025. En Guadeloupe et en Martinique, elle s’étend du 15 juillet au 30 octobre. À Mayotte, cette trêve cyclonique est instaurée du 15 novembre au 30 avril de l’année suivante. En Guyane, il s’agit de la trêve pluviale mise en place du 15 mars au 31 juillet de la même année.
Ce qu’il faut retenir de cette mesure !
- La trêve hivernale est une protection pour les locataires en difficulté financière.
- Elle interdit les expulsions locatives entre le 1er novembre 2024 et le 31 mars 2025.
- Cette période ne fait pas les affaires des propriétaires qui rencontrent ce type de profil.
- Les propriétaires voudraient réformer la trêve hivernale afin que toutes les parties concernées y trouvent leur intérêt.
- Certains profils peuvent être expulsés.
- Les départements d’Outre-mer ont aussi leur trêve. Toutefois, elle n’est pas hivernale.
¹Depuis 2014, la trêve hivernale, qui s’étendait du 1er décembre au 15 mars, a été prolongée.
²19 023 expulsions en présence des forces de l’ordre ont eu lieu en France en 2023, d’après un rapport de la Cour des comptes, soit une hausse de 17 % comparée à l’année précédente.