Que penser du nouveau prêt in fine ou hypothécaire ?    

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Publié le , mis à jour le par Juliette Hisler - Copywriter finance et assurance

Voilà déjà deux années que le marché de l’immobilier va mal et affiche de bien mauvais résultats : chute record des ventes et des dossiers de crédits octroyés en l’occurrence. Selon certains, « le secteur immobilier affrontait en 2023 une crise sans précédent ». La faute à de multiples facteurs : crises successives économico-géopolitiques, inflation, flambée des coûts de construction, augmentation des taux d’intérêt multipliés par 4 en deux ans, et des prix de l’immobilier arrivés à leur sommet qui peinent à baisser.

Et même si fin 2023, des jours meilleurs pour l’immobilier semblaient poindre leur nez, avec une baisse des taux d’intérêt et des prix de vente immobilière dans certaines villes de France, le chemin de la sortie de crise risque d’être encore long.

Pour surmonter cette période morose, de nombreuses mesures ont été mises en place, à commencer par la mensualisation du taux d’usure de février à décembre 2023.

Aujourd’hui, le nouveau gouvernement de Gabriel Attal semble décidé à redonner un nouveau coup de boost au marché de l’immobilier. Il y a quelques jours en effet, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, annonçait sa volonté de mettre en place un nouveau type de prêt : un prêt in fine et hypothécaire. Cap sur cette initiative !

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Des nouvelles règles d’octroi annoncées en décembre 2023

Avant de se pencher sur la nouvelle proposition du ministre de la Transition écologique, rappelons brièvement les modifications des règles d’octroi de crédit annoncées le 4 décembre 2023 par Bruno Lemaire pour rendre plus souple et facile l’accès aux crédits des Français.

Parmi ces règles, on retrouvait notamment :

  • L’allongement de la durée du crédit de 25 à 27 ans, à condition d’engager des travaux de rénovation représentant plus de 10 % du coût total de l’opération ;
  • La sortie des intérêts des prêts relais dans le calcul du taux d’endettement, si les dits prêts équivalent à moins de 80 % de la valeur du bien mis en vente.
  • Le réexamen des dossiers refusés une première fois.

Mises en place récemment, ces nouvelles mesures ne permettent pas encore de tirer des conclusions sur l’impact qu’elles ont sur le marché immobilier. Mais le ministre Christophe Béchu semble vouloir accélérer les choses, et évoque, le 12 février dernier dans une interview publiée sur le site du Parisien, l’idée de lancer un nouveau type de prêt bancaire.

Qu’est-ce que le nouveau prêt in fine imaginé par Christophe Béchu ?

Pour permettre au marché de se débloquer, le gouvernement réfléchit à mettre en place de nouvelles formes de prêts. Le ministre de la Transition écologique explique :

Trop de ménages essuient un refus, les banques doivent fournir des efforts. Cela passe par de nouveaux dispositifs de financement, je pense aux prêts “in fine” ou “hypothécaires”.

À première vue, le fonctionnement de ce nouvel emprunt est simple :

  • Vous souscrivez un crédit à hauteur de 80 % du prix de votre bien immobilier. Vous remboursez intérêts et capital emprunté chaque mois de manière classique ;
  • Les 20 % restant sont hypothéqués, autrement dit pris en garantie. Vous ne remboursez que les intérêts de ces 20 % chaque mois. À la revente du bien ou au terme du crédit, vous remboursez le capital.

Selon Christophe Béchu :

Le prêt “in fine” ou “hypothécaire” permet d’être propriétaire du bien et de son foncier mais diffère le remboursement d’une partie du capital, ce qui permet d’obtenir des mensualités plus faibles ou d’emprunter plus pour plus grand.

Ce nouveau prêt pourrait donc permettre de déroger à la fameuse règle des 35 % de taux d’endettement imposée par le HCSF, le Haut Conseil de stabilité financière.

Zoom sur les prêts in fine et prêts hypothécaires 

Il existe déjà sur le marché des prêts in fine et des prêts hypothécaires, mais ils sont très peu utilisés en France. Dans la très grande majorité des cas, les banques et autres organismes prêteurs octroient des prêts immobiliers, dits amortissables, pour lesquels les mensualités de remboursement comprennent les intérêts et le capital.

Dans le cadre d’un prêt in fine, le capital est remboursé une fois la fin du prêt échue. Dans l’intervalle, l’emprunteur ne rembourse que les intérêts.

Concernant les prêts hypothécaires, la banque prend une garantie sur le prêt qu’elle octroie. Cette garantie, appelée hypothèque ou garantie hypothécaire, porte sur le bien immobilier. En cas de non-remboursement du crédit immobilier, la banque peut saisir le bien immobilier et le vendre pour se rembourser.

La proposition de Christophe Béchu est donc une solution hybride qui combine : prêt classique amortissable, prêt in fine et prêt hypothécaire.

Ce que pensent les professionnels de l’immobilier ?

Avant de mettre en place ce nouveau prêt, Christophe Béchu va rencontrer l’ensemble des acteurs du secteur bancaire fin février, qui pour certains ne semblent pas convaincus par cette initiative.

En théorie, ce nouveau prêt permet aux foyers les plus modestes de devenir propriétaires. En ne remboursant que les intérêts sur une partie du crédit, les mensualités sont de facto plus faibles, permettant ainsi de ne pas dépasser les 35 % de taux d’endettement et rendant ainsi plus accessible le crédit.

Toutefois, les crédits in fine ont un coût et un risque à prendre en considération.

Les taux d’intérêt d’un prêt in fine sont bien plus élevés qu’un prêt classique. La banque prenant le risque de ne pas se faire rembourser le capital emprunté, elle l’impacte en le faisant payer.

L’emprunteur, quant à lui, en plus de payer plus cher son crédit, prend lui-même le risque de ne pas réussir à se constituer le capital nécessaire pour payer sa dette, le mettant ainsi dans une potentielle situation de précarité.

À ce titre, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau sur LinkedIn appelle :

… à une certaine prudence sur les prêts remboursables in fine. Ces derniers sont plus risqués puisqu’ils prolongent la durée d’endettement des ménages ; ils sont donc en général plus coûteux, et les banques demandent généralement plus de garanties. Ils sont déjà juridiquement possibles en France, mais se sont peu développés pour cette raison.

Un tel produit ne serait-il pas plus approprié pour des ménages disposant de patrimoines financiers conséquents, plutôt qu’aux Français qui rencontrent des difficultés à emprunter, comme les primo-accédants ? C’est en tout cas ce que suggère la Fédération Française bancaire dans un communiqué :

En France, les prêts in fine peuvent parfois être opportuns dans certaines opérations patrimoniales ou d’investissement locatif (ils permettent de bénéficier de certains avantages fiscaux pour ce type d’investissement, NDLR). Mais très rarement en accession à la propriété.

Alors même si ce prêt « fonctionne très bien en Suisse », comme a pu le souligner Christophe Béchu, nous pouvons nous demander si tel serait le cas en France. Attendons la discussion entre le gouvernement et les acteurs du marché pour en savoir plus…

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